Karen Maitland fait des études universitaires et obtient un doctorat en psycholinguistique. Elle se lance dans la littérature en 1996 avec The White Room. Elle se spécialise bientôt dans le roman historique ‘ policier’. C’est une habituée du Festival du Polar à la Plage du Havre auquel elle participe trois fois. Elle a reçu le Prix du Balai d’Or ( Paris ) en 2015.
« Vous êtes venue au Havre pour le festival Polar à la Plage 2011, qu’avez-vous pensé des lecteurs français et de l’accueil des gens du Havre ?
C’était un week-end vraiment très venteux et il pleuvait à seaux, mais ça n’a pas découragé les lecteurs de venir sous les tentes à la plage (le festival se passe dans un village de tentes en bord de mer – ndt). J’ai eu du mal à croire que tant de gens viennent, et qu’ils soient si intéressés et si amicaux. Les lecteurs français ont l’air de prendre la lecture au sérieux et sont avides de parler des livres, ce qui est merveilleux pour un auteur. J’ai adoré l’idée d’auteurs donnant des conférences dans un bus municipal.
J’ai eu des interprètes talentueux et adorables et j’ai été ébahie par la généreuse hospitalité dont les auteurs ont bénéficié, invités à manger et boire du vin au restaurant. On a commencé par un apéritif organisé pour les auteurs dans une librairie appelée au Bouqui’n’oir°, qui est un vrai régal pour les yeux, car elle est très joliment décorée sur le thème du polar et du noir. Mes hôtes m’ont emmenée à la galerie d’art impressionniste au Havre avant mon départ. C’était très inspirant. J’aurais pu y rester une semaine entière assise à écrire.
Je voudrais que tous mes festivals soient comme celui du Havre. Un jour j’ai fait plusieurs heures de train pour aller donner une conférence en Angleterre, et on ne m’a même pas offert une tasse de café à mon arrivée. Quand j’ai demandé à avoir un verre d’eau sur ma table pendant ma conférence, les organisateurs m’ont demandé d’un air ennuyé « vous n’avez pas amené votre propre bouteille d’eau ?? »
Extrait de l’interview réalisée par le Concierge Masqué
° Malheureusement, le Bouqui’n’oir a fermé ses portes depuis. On le regrette bien sûr.
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La Confrérie des Menteurs ( 2010 ) – Company of Liars ( 2008 )
1348- La peste s’abat sur l’Angleterre. Rites païens, sacrifices rituels et religieux : tous les moyens sont bons pour tenter de conjurer le sort. Dans le pays, en proie à la panique et à l’anarchie, un petit groupe de neufs parias réunis par le plus grand des hasards essaie de gagner le Nord, afin d’échapper à la contagion. Neuf laissés-pour-compte qui fuient la peste mais aussi un passé trouble.
Bientôt, l’un d’eux est retrouvé pendu, puis un autre noyé, un troisième démembre… Seraient-ils la proie d’un tueur plus impitoyable encore que l’épidémie ? Et si celui-ci se trouvait parmi eux ?
Toutes les apparences ne vont pas tarder à s’avérer trompeuses et, avec la mort qui rôde de toutes parts, les survivants devront faire preuve d’une incroyable sagacité, au milieu des secrets et des mensonges, pour trouver le mobile des meurtres et résoudre l’énigme avant qu’il ne soit trop tard.
Un conseil : bien lire le livre jusqu’à la dernière page.
« Dans votre roman, de nombreuses pages parlent de la peste, du Diable, de loups-garous, de Foi, était-il important de montrer cette atmosphère ?
Pour comprendre des personnages du Moyen Âge, vous devez réaliser que les gens étaient entourés d’images d’anges et de démons, d’animaux mythiques et de saints. Le surnaturel faisait partie de leur vie quotidienne. Un fermier pouvait aller à la messe le dimanche, et le lendemain avant de labourer son champ, placer du pain et du sel dans les coins pour apaiser les esprits malins. Un roi pouvait concevoir des plans de bataille, et les changer s’il voyait un signe de mauvais augure. Même l’église considérait comme hérétique de ne pas croire aux loups-garous, parce que certains prêtres étaient formés pour les détruire.
Les gens vivaient dans la terreur de mourir en état de péché sans les derniers sacrements car ils croyaient qu’ils subiraient les tourments éternels de l’Enfer. C’est pourquoi il était important que je montre tout ça dans mon roman, pour que les lecteurs puissent comprendre à quel point la peste était terrifiante alors, car la mort pouvait frapper n’importe quand sans prévenir. Les gens n’avaient aucune idée de ce qui provoquait la peste, et ne savait pas comment l’éviter. Ils ébauchèrent plusieurs théories – c’est Dieu qui l’avait envoyée pour les punir, elle était provoquée par des poisons versés dans les puits, ou par des vampires. Mais le pire pour eux était que non seulement on pouvait mourir d’une manière horriblement douloureuse, mais aussi que s’il n’y avait pas de prêtre pour les absoudre, ou leur offrir un enterrement chrétien en terre consacrée, alors leur âme pourrait être tourmentée pour l’éternité. C’était une perspective terrifiante. »
Extrait de l’interview réalisée par le Concierge Masqué
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La Malédiction du Norfolk ( 2014 ) – The Gallows Curse ( 2011 )
1208- Le pape Innocent III, en conflit avec le roi Jean, prononce un interdit sur tout le royaume d’Angleterre. Les églises et les cimetières sont fermés, le haut clergé quitte le pays, les prêtres ont défense de célébrer les offices ou de conférer les sacrements, ni confession, ni mariage, ni extrême-onction. S’ensuit un véritable chaos spirituel dans le royaume, en particulier chez les plus démunis, ceux pour qui la foi est le seul recours. C’est dans ce contexte particulièrement difficile qu’une jeune paysanne, Elena, est appelée au service du seigneur de Gastmere, dans le comté de Norfolk. Là, on l’oblige à s’adonner à un étrange rituel, celui des ‘mangeurs de péchés’, consistant, en l’absence d’extrême-onction, à prendre sur sa conscience tous les péchés non expiés d’un mourant. Cette cérémonie va être le début d’une véritable descente aux enfers pour la jeune fille qui se retrouve bientôt accusée de meurtre. Son cauchemar ne fait que commencer.
Un récapitulatif utile des personnages dès la première page. On se dit que le nombre de personnages pourrait nous faire perdre le fil. Mais non. Le roman suit prioritairement Elena, le personnage central.
En l’absence d’églises pour les accueillir, sans clergé vers qui se tourner, les personnages trouvent des parades en déterrant des cultes du passé et des superstitions. Chaque chapitre débute par une citation tirée d’un herbier qui rappelle au lecteur les vertus et maléfices de certaines plantes ou de certains animaux.
Pour Karen Maitland le Moyen Age est une période de transition mêlant croyances païennes et christianisme qui permet d’amorcer une réflexion sur le monde moderne. Dans La Compagnie des Menteurs, par exemple, l’exode des neufs personnages fuyant la peste n’est pas sans rappeler les flux migratoires provoqués par des calamités d’un autre genre qui caractérisent le monde du 21e siècle.
Karen Maitland est publiée en France par Sonatine.
Bonne lecture. Bon Voyage.